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Cinquantenuancesd'engrais

Après une période d'abstinence, les fabricants d'engrais minéraux retrouvent quelques couleurs, profitant de prix raffermis et d'une demande engageante. De leur côté, les fournisseurs de fertilisants organiques et de biostimulants jouissent d'un marché porteur.

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Si l'on regarde simplement dix ans en arrière, que de changements dans le secteur de la fertilisation. À l'époque, on ne cessait de lui reprocher son absence d'innovation. Que n'a-t-on pas vu depuis ? L'arrivée des engrais à libération progressive ou contrôlée, l'émergence des biostimulants de toutes sortes, la bonne tenue de la fertilisation organique, la multiplication des formules d'engrais de mélange... Et en arrière-plan, des partenariats tous azimuts, des entreprises traditionnelles qui courtisent celles qui bénéficient de l'innovation, un entrelacement croissant entre stimulation des plantes et fertilité des sols. C'est un peu cette diversité que l'on a souhaité mettre en avant dans les pages de ce dossier.

Sans oublier qu'au commencement de l'agriculture intensive, il y avait les engrais et amendements minéraux traditionnels. Ils sont toujours là, en hausse de 3,8 % la campagne passée, et comblent quasiment le trou de la précédente. Excepté pour l'azote, stable, les livraisons progressent pour toutes les catégories. Les amendements minéraux basiques frôlent les + 10 %, même s'ils sont en net retrait par rapport à la moyenne des trois dernières campagnes (- 6,5 %). Tout comme les engrais composés, qui sont au plus bas : 1,3 Mt de livraisons, contre 5 à 6 Mt dans les années soixante. Les fermetures de Seco et de Berry-au-Bac ne vont pas inverser la tendance. A contrario, les engrais de mélange progressent : de 27 à 33 % de l'ensemble des engrais composés entre 2014-2015 et 2016-2017, selon l'Afcome. « Une prise de parts de marché surtout due au recul du volume global des composés », nuance sa directrice, Estelle Vallin.

Début de campagne actif

En outre, comme la précédente, la nouvelle campagne semble plutôt bien partie pour les fabricants. Déjà, avec les prix des grains devenus un peu plus confortables, ils ont pu se permettre quelques hausses. Mais surtout, « sur le marché mondial de l'urée, l'animation est venue de l'Inde, qui continue à afficher une demande très soutenue, et de la Chine, qui a fermé pas mal d'usines qui fonctionnaient à partir de charbon », rapporte Alban Fontaine, consultant chez Agritel. Pékin étant d'ailleurs en passe de devenir quasiment importateur net d'urée. Quant à la solution azotée, la plainte pour dumping (lire ci-contre) n'a pas manqué d'exalter le marché de ce produit. Aujourd'hui, les cours sont suspendus à l'éventuelle instauration d'une généreuse taxe à l'import. « Il n'y a quasiment plus de volumes négociés sur 2019 car les bateaux qui déchargeraient à partir de mars devraient potentiellement la payer », explique Alban Fontaine.

Dans ce sillage, la campagne a démarré vigoureusement jusqu'à fin août. En DAP, comme en KCl, la dynamique est relativement ferme, avec des prix assez soutenus. Dans les azotés, les facteurs haussiers chauffent le marché depuis maintenant plusieurs mois. « Un peu contre toute attente, il n'y a pas eu le creux habituel des prix en démarrage de campagne », effleure Jean-Luc Pradal, DG de Fertiberia France. « Des usines à l'arrêt, une volonté de certains fournisseurs d'avoir moins de longueur sur le marché ont conduit à un raffermissement des prix dans un contexte global de hausse du coût de l'énergie », expose David Guignard, DG d'EuroChem Agro France. Le cours du gaz a beau avoir reculé ces dernières semaines, il a flambé, « de 48 %, à Londres entre le 1er janvier et fin septembre », précise Alban Fontaine. « Les producteurs français et européens ont pu répercuter l'augmentation des coûts de production grâce à la hausse significative du prix de l'urée au niveau mondial », admet Renaud Bernardi, directeur commercial de Borealis, et désormais président de l'Unifa.

En attendant les emblavements

Si Jean-Luc Pradal constate, lui, « un niveau de profitabilité très mauvais pour ceux qui produisent avec du gaz acheté en Europe », il évoque une forte demande et signale d'ailleurs, dans son entreprise (mais pas que), un « retard d'exécution de commande ». Depuis, les achats sont en net ralentissement, la distribution ayant fait le plein. Cela vaut aussi pour les engrais spéciaux et les biostimulants. « Cet automne, on atteint à peine le CA de l'an dernier, constate Olivier Bernard, directeur commercial de Biovitis, alors qu'on a réalisé un printemps magnifique en augmentant notre CA de plus de 50 %. » La sécheresse persistante a finalement un peu calmé les ardeurs.

DOSSIER RÉALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX

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